Acidose lactique induite par la metformine : utilité de la mesure des taux et traitement par hémodialyse à haut débit | Nefrología
À l’attention du rédacteur en chef,
L’acidose lactique chez les patients atteints de diabète sucré traités par la metformine est une complication très rare, avec un taux de mortalité élevé, et est souvent associée à une affection sous-jacente, qui pourrait à elle seule provoquer ce déséquilibre hydroélectrolytique très grave. La metformine est un antidiabétique oral largement utilisé, qui est éliminé par sécrétion tubulaire active, mais s’accumule chez les patients souffrant d’insuffisance rénale.1 Cliniquement, l’acidose lactique associée à la metformine (MALA) se développe brusquement et s’accompagne d’une respiration excessive, de douleurs abdominales, de somnolence et de coma. Les indicateurs anormaux de laboratoire de la MALA sont un trou anionique élevé, un excès de base dans les gaz du sang artériel et des taux élevés de lactate plasmatique (valeur pronostique) et de metformine dans le plasma. La surveillance des taux de lactate et de metformine est un moyen très utile d’évaluer l’évolution et les éventuelles modifications du traitement. Le traitement du MALA est controversé ; l’utilisation du bicarbonate est habituelle bien qu’il n’y ait pas de preuve scientifique l’associant à un meilleur pronostic. La faible liaison de la metformine aux protéines plasmatiques permet d’utiliser des techniques d’hémodialyse avec des solutions de bicarbonate lorsqu’elle a été surdosée. Cette technique s’est avérée efficace pour éliminer la metformine plasmatique et permet également de corriger l’acidose.2,3 La dialyse semble contribuer de manière significative au traitement de cette pathologie sévère et à l’amélioration des résultats lorsque le MALA est associé à une insuffisance rénale aiguë.4 Si nous devions comparer le MALA à une acidose lactique sévère localisée ailleurs, le pronostic du MALA est nettement meilleur. Son diagnostic doit être envisagé chez tous les patients traités par metformine qui présentent une acidose lactique.5
Patient de 81 ans présentant une hypertension artérielle, une dyslipidémie, un diabète de type 2 et une myocardiopathie dilatée (fraction d’éjection de 30%). Traitement habituel : telmisartan, torsemide, metformine 850mg/8h, atorvastatine, carvedilol et oméprazole. Elle est arrivée aux urgences avec une diarrhée avec mucus et sang, et des vomissements, qui duraient depuis une semaine, ainsi qu’une oligoanurie depuis 24 heures.
Examen physique : pression artérielle : 120/70mm Hg, fréquence cardiaque (FC) : 95bpm, température (T) : 36ºC.
Examen neurologique : Score de Glasgow 12, désorientation spatio-temporelle et bradypsychie, sans signe de focalisation. Battements cardiaques rythmés, pas de souffle, crépitements jusqu’au champ moyen. Pas de signes dans l’abdomen et les membres inférieurs.
Les tests biochimiques ont montré : hémoglobine : 11,7g/dl ; leucocytes : 18 030 (78,9% de neutrophiles) ; plaquettes : 307 000 ; glucose : 68mg/dl ; urée : 133mg/dl ; créatinine : 6,89mg/dl ; sodium : 134mEq/l ; potassium : 4,4mEq/l ; pH : 6,89 ; pCO2 : 29mm Hg ; bicarbonate : 6,9mmol/l ; calcium ionique : 3,85mg/dl ; trou anionique : 28. Coagulation normale. Urine : pH : 6 ; créatinine : 71mg/dl ; protéinurie : 400mg/dl ; 100 globules rouges/champ ; 60 leucocytes/champ ; corps cétoniques positifs et médicaments négatifs (benzodiazépines, barbituriques). Echographie abdominale normale avec reins symétriques (12cm) ; bonne délimitation cortico-médullaire.
Electrocardiogramme : bloc de branche gauche (BBG) à 93bpm. Radiographie thoracique : cardiomégalie et tomographie informatisée (CT) crânienne normale. On lui a diagnostiqué une insuffisance rénale chronique de stade 2 secondaire à une néphropathie aiguë prérénale hypertensive et diabétique en phase de nécrose tubulaire et à une acidose métabolique lactique à trou anionique élevé. Un traitement de réplétion avec une solution saline physiologique (PSS) à 0,9 %, et une solution de dextrose à 5 %, des diurétiques de l’anse et du bicarbonate de sodium 1M. Malgré ce traitement, elle a continué à présenter une anurie et sa fonction cognitive a continué à se détériorer. Nous avons donc décidé d’effectuer sa première séance d’hémodialyse de 2 heures sans ultrafiltration. Ayant confirmé une hyperlactacidémie (10,7mmol/l), des niveaux élevés de metformine (34,4mg/l ; niveaux thérapeutiques 1,3-5) et des symptômes de surcharge cardiaque avec trouble hémodynamique, nous avons décidé de réaliser une dialyse pendant quatre jours puis toutes les 48 heures jusqu’à atteindre une diminution constante du lactate et des niveaux non toxiques de metformine (Tableau 1). Elle a reçu 7 séances au total. Elle a reçu une antibiothérapie empirique avec une céphalosporine de troisième génération ; les cultures urinaires et fécales étaient négatives.
Elle est sortie sans aucun symptôme neurologique et rénal, avec une créatinine à 1,6mg/dl et le traitement suivant : carvédilol à la dose de 6.25mg/24h, répaglinide à la dose de 1,5mg/8h, telmisartan, atorvastatine, torsemide à la dose de 10mg/24h et oméprazole à 20mg/24h.
Elle présente actuellement 1,26mg/dl de créatinine et est stable sur le plan neurologique.
Tableau 1. Évolution des taux de metformine
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