Optimisation de la fréquence cardiaque et contrôle des symptômes dans la fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire (FA) est l’arythmie clinique pathologique la plus fréquente d’une durée supérieure à 30 secondes, et son incidence et sa prévalence ne cessent d’augmenter. On estime que 5,9 % des patients âgés de moins de 6298 ans souffrent de FA.1 Dans l’étude de Rotterdam, 17,8 % des patients de plus de 85 ans souffraient de FA.2 Le risque de développer une FA au cours de la vie chez les hommes et les femmes de plus de 40 ans est de un sur quatre.3 Cette arythmie, avec les comorbidités qui l’accompagnent, représente un fardeau physique, psychologique et financier considérable pour la population et constitue un problème de santé publique important. L’évaluation et la gestion appropriées de la FA au niveau des soins primaires (en minimisant les facteurs de risque) ainsi que la reconnaissance et le traitement immédiat de l’arythmie joueront un rôle important dans l’endiguement de cette épidémie. Cet article de synthèse traite de la reconnaissance de la FA et de l’importance de la distinguer des autres arythmies avec un pouls irrégulier. Il aborde les options disponibles pour la réduction de la FA et examine la corrélation entre les symptômes et les rythmes. Il passe ensuite en revue les approches existantes et potentiellement nouvelles du contrôle de la fréquence et du rythme et leur rôle dans le contrôle des symptômes chez les patients atteints de FA.

Types de fibrillation auriculaire

Le type de FA détermine le traitement, et nous utiliserons les définitions des plus récentes lignes directrices de l’American Heart Association/American College of Cardiology/Heart Rhythm Society (AHA/ACC/HRS) sur la FA de 2014.4 La FA paroxystique (FAP) se termine spontanément ou avec une intervention dans les 7 jours suivant son apparition. La FA persistante dure >7 jours et nécessite souvent une cardioversion pharmacologique ou électrique. La FA persistante de longue durée dure >12 mois. Il s’agit d’une modification importante de la définition car les taux de réussite de la cardioversion et de l’ablation diminuent considérablement chez les patients souffrant de FA persistante de longue durée. La FA permanente décrit la situation dans laquelle le patient et le médecin ont décidé d’arrêter de poursuivre une stratégie de contrôle du rythme.

Confirmer l’arythmie

L’indice le plus courant pour suspecter qu’un patient peut être en FA est l’irrégularité du pouls. En tant qu’étudiants en médecine, on nous apprend tous à associer un pouls « irrégulier » à la FA. Cependant, plusieurs arythmies peuvent produire des pouls irrégulièrement irréguliers et quelques-unes produisent des pouls régulièrement irréguliers, qui peuvent également sembler irréguliers s’ils n’ont pas été évalués pendant une période de temps suffisante. Les pouls irréguliers sont présents dans la FA, le flutter auriculaire avec conduction auriculo-ventriculaire (AV) variable, le stimulateur auriculaire errant, la tachycardie auriculaire multifocale et les complexes auriculaires et ventriculaires prématurés fréquents. Des pouls régulièrement irréguliers peuvent être notés chez les patients présentant un bloc de sortie sino-auriculaire ainsi qu’un bloc AV du second degré. Si le pouls n’est pas surveillé pendant un intervalle adéquat, le modèle d’irrégularité peut ne pas être perçu et une conclusion erronée peut être tirée.

Une bandelette rythmique électrique reste le seul moyen fiable d’identifier ces arythmies. Les patients ont maintenant accès à des moniteurs de pression artérielle (BP), des oxymètres de pouls et des moniteurs de rythme à sonde unique à domicile, qui indiquent la présence d’une irrégularité.5,6 Cela ne constitue pas une preuve de FA. Même les diagnostics ECG informatisés confondent souvent les arythmies mentionnées ci-dessus, et le simple fait de lire le rapport verbal d’un ECG sans regarder les bandes de rythme par soi-même entraînera un diagnostic erroné (voir figure 1). Le diagnostic des stimulateurs et défibrillateurs implantés peut également confondre la tachycardie supraventriculaire avec la FA ou le flutter auriculaire, et il ne faut pas se contenter d’utiliser la présence d’épisodes de fréquence auriculaire élevée (FA) lors d’une vérification du stimulateur comme preuve de FA. Les électrogrammes stockés doivent être évalués pour confirmer l’arythmie avant qu’un traitement puisse être suggéré.

Sur la base des connaissances actuelles, seuls la FA et le flutter auriculaire présentent un risque significatif d’AVC et nécessitent une anticoagulation basée sur le facteur de risque. En outre, le traitement du flutter auriculaire typique (flutter dépendant de l’isthme dans le sens inverse des aiguilles d’une montre) est sensiblement différent du traitement de la FA, car le flutter auriculaire typique peut être ablaté relativement facilement avec d’excellents taux de réussite (90 %). Le clinicien est tenu de proposer aux patients les choix de traitement appropriés en fonction du risque et de l’efficacité, et l’identification de la bonne arythmie est la première étape.

Évaluation et traitement du risque d’AVC

Une fois que la FA a été confirmée, l’estimation du risque d’AVC d’un patient en FA est primordiale, car un AVC embolique dû à une FA insuffisamment traitée est le moyen le plus sûr d’avoir un impact négatif sur la qualité de vie (QdV) de ces patients. Plusieurs algorithmes ont été développés au cours des 25 dernières années et le système de score CHA2DS2-VaSc a été validé le plus récemment.7-9 En cas de FA non valvulaire et d’un score CHA2DS2-VASc de 0 (c’est-à-dire chez les personnes âgées de <65 ans avec une FA unique), les directives américaines et européennes s’accordent à dire qu’il est raisonnable d’omettre le traitement antithrombotique. Cependant, les deux directives diffèrent dans leurs recommandations pour les patients ayant un score CHA2DS2-VaSc de 1. Les directives américaines autorisent le traitement antiplaquettaire, l’anticoagulation ou aucun des deux, en fonction de l’évaluation du risque de complications hémorragiques et des préférences du patient, alors que les directives européennes recommandent l’anticoagulation comme seule option. Les deux directives s’accordent sur le fait qu’à partir d’un score CHA2DS2-VaSc ≥2, une anticoagulation doit être instaurée.4,10 La warfarine, le dabigatran, le rivaroxaban, l’apixaban et l’edoxaban ont été approuvés pour cet usage. Les patients qui sont intolérants, ou qui présentent une contre-indication, à l’utilisation d’anticoagulants seraient candidats à une occlusion de l’appendice auriculaire gauche, dont l’efficacité a été validée récemment.11

Symptômes liés à la fibrillation auriculaire

Les patients peuvent présenter une variété de symptômes liés à la FA. Les symptômes les plus courants sont les palpitations, la dyspnée et la fatigue. En outre, des douleurs thoraciques, des vertiges, une présyncope et une syncope peuvent également être signalés. Plus de la moitié des patients souffrant de FA connaissent une diminution de la tolérance à l’effort définie par une baisse de la classe fonctionnelle de la New York Heart Association. Outre la simple conscience d’avoir un rythme irrégulier, il existe de multiples mécanismes potentiels pour ces symptômes, notamment la perte de contraction auriculaire, la perte de synchronisation AV, la bradycardie, la tachycardie ou même la cardiomyopathie médiée par la tachycardie. Comprendre le type de symptôme et le mécanisme qui le sous-tend sont des étapes importantes pour déterminer la stratégie de traitement optimale pour les patients atteints de FA.

Ouverture d’un nouvel onglet
Ouverture du ppt

Ouverture d’un nouvel onglet
Ouverture du ppt

Corrélation des symptômes avec le rythme

Alors que les patients peuvent présenter une variété de symptômes dans la FA, ceux-ci peuvent également être notés dans une foule d’autres conditions, notamment une maladie pulmonaire, une hypertension mal contrôlée (ou due aux médicaments de la PA eux-mêmes), une apnée obstructive du sommeil, une obésité ou un déconditionnement.12-14 Il est donc important de confirmer que les symptômes du patient sont effectivement liés à la FA avant de commencer le traitement. On y parvient généralement par une surveillance prolongée du rythme, allant de 1 à 30 jours en fonction de la fréquence des symptômes. Cette approche permet d’identifier une bradycardie symptomatique, des pauses prolongées, une tachycardie, ou simplement la conscience d’une conversion vers ou hors de la FA. Cependant, il est important d’établir une corrélation temporelle entre les symptômes du patient et un épisode de FA, comme le montre la figure 2. Le fait d’avoir des épisodes de FA paroxystique un jour donné ne devrait pas entraîner de symptômes un autre jour, et conclure que la FA a produit ces symptômes entraînera des examens et un traitement inutiles. De plus, un électrogramme d’effort peut être utilisé pour identifier un mauvais contrôle de la fréquence cardiaque ou une incompétence chronotrope comme causes potentielles de la dyspnée à l’effort ou de l’intolérance à l’effort. Une fois que la FA et les symptômes ont été corrélés, un traitement approprié peut être institué.15 L’anxiété en présence de palpitations est fréquente ; apaiser les craintes du patient concernant l’arythmie et utiliser une approche systématique pour traiter les facteurs de risque et contrôler la FA contribuera grandement à améliorer la qualité de vie de ces patients16.

Ouvrir dans un nouvel onglet
Ouvrir ppt

Ouvrir dans un nouvel onglet
Ouvrir ppt

Modification du mode de vie

En plus d’envisager des options de traitement pharmacologique ou procédural pour la prise en charge de la FA, il est important de s’attaquer aux facteurs de risque modifiables. L’obésité, l’apnée obstructive du sommeil, l’hypertension, le diabète de type 2 et la consommation d’alcool ont tous été identifiés comme des facteurs de risque indépendants pour le développement de la FA. Une évaluation et un traitement appropriés de ces facteurs de risque peuvent contribuer à minimiser les épisodes de FA et à traiter les symptômes.17-21 La consommation de caféine a souvent été déconseillée aux patients souffrant de FA. Cependant, de nombreuses études n’ont démontré aucune association entre l’exposition à la caféine et le risque de FA, et il existe même des preuves suggérant que la consommation de caféine en quantité modérée peut en fait diminuer la survenue de la FA.22 Enfin, l’exercice physique peut améliorer les symptômes dans tout le spectre de la FA. En fait, de multiples études ont démontré que l’entraînement à l’exercice chez les adultes souffrant de FA permanente améliore significativement le contrôle de la fréquence (au repos et à l’effort), la capacité fonctionnelle, la force musculaire, les activités de la vie quotidienne et la qualité de vie.23

Approches du contrôle de la fréquence dans la fibrillation auriculaire

Le contrôle de la fréquence cardiaque (réponse ventriculaire) est une approche bien établie pour traiter les patients souffrant de FA peu symptomatique. Les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques et les digitaliques (voir figure 3) sont couramment utilisés pour atteindre cet objectif.24,25 L’essai AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow- up Investigation of Rhythm Management) a utilisé 80 battements/ min comme fréquence cardiaque de repos raisonnable dans la FA. Plus récemment, l’essai RACE-II (Rate Control Efficacy in Permanent Atrial Fibrillation II) a comparé un contrôle strict et un contrôle souple de la fréquence cardiaque et a démontré qu’une stratégie de contrôle souple de la fréquence cardiaque n’augmente pas la morbidité. La critique formulée à l’encontre de cette étude est que la plupart des patients des groupes de contrôle et de traitement avaient des fréquences cardiaques inférieures à 90 battements/min et que les résultats étaient réellement basés sur une analyse en intention de traiter.26,27

Chez les personnes actives, la digitaline n’est pas aussi utile pour le contrôle de la fréquence cardiaque car la pulsion sympathique pendant l’activité peut submerger l’action vagotonique de la digitaline. Cependant, elle peut être utile en association avec un bêtabloquant ou un inhibiteur calcique car elle permet de contrôler la fréquence ventriculaire sans réduire la PA. Les médicaments antiarythmiques (MAA), même s’ils ne parviennent pas à maintenir le rythme sinusal, peuvent permettre de contrôler la fréquence sans abaisser la PA. L’amiodarone a une forte activité de blocage du nœud AV et peut être efficace dans cette application. Il est de plus en plus évident que les canaux activés par l’hyperpolarisation et les nucléotides cycliques (HCN), responsables de la modulation du courant drôle (If), sont également présents dans le nœud AV et pourraient être ciblés pour obtenir un contrôle de la fréquence. Le médicament prototype pour moduler le If dans le nœud sinusal est l’ivabradine.28 Des rapports de cas récents soulignent l’effet de contrôle de la fréquence cardiaque de l’ivabradine dans la FA grâce à son action supplémentaire sur le nœud AV, et ce médicament pourrait s’avérer très utile à cette fin, bien qu’il s’agisse actuellement d’une utilisation non autorisée de ce médicament.29-31

L’approche extrême dans le continuum du contrôle de la fréquence cardiaque est l’ablation du nœud AV, avec implantation d’un stimulateur cardiaque. Cette technique a perdu de sa popularité au cours des 20 dernières années en raison de l’intégration rapide de l’ablation de la FA dans la pratique clinique. Néanmoins, l’ablation du nœud AV avec implantation d’un stimulateur cardiaque reste une technique très efficace pour contrôler les symptômes et améliorer la qualité de vie, en particulier dans la population âgée, souvent intolérante aux médicaments contrôlant la fréquence.32-33

Gestion du contrôle du rythme dans la fibrillation auriculaire

Chez les patients qui présentent des symptômes de FA, malgré un bon contrôle de la fréquence cardiaque, une stratégie de contrôle du rythme doit être mise en œuvre. Le succès du maintien du rythme sinusal à long terme est plus élevé avec un bon contrôle des facteurs de risque sous-jacents (hypertension, apnée du sommeil et obésité). La cardioversion comme moyen d’établir que la FA est responsable des symptômes est une première étape très raisonnable, même si le succès à long terme de cette approche n’est que de 30-35 %. Une fois que la corrélation symptôme-rythme a été établie et que les facteurs de risque ont été contrôlés, les AAD peuvent être tentés. Les lignes directrices 2014 de l’ACC/AHA/HRS sur la FA proposent une approche systématique pour essayer les AAD (voir figure 4), en fonction des comorbidités du patient.4 La ranolazine associée à la dronédarone ou à l’ivabradine peut également jouer un rôle important dans le contrôle efficace de la fréquence de la FA.30,34 L’intolérance aux AAD ou la survenue d’une FA sous AAD doit faire envisager une approche invasive. La technique spécifique (ablation par radiofréquence, cryoablation, modulation par impulsion focale et rotor, ablation au laser ou procédure de labyrinthe chirurgical chez les patients subissant une chirurgie cardiaque) n’est pas aussi importante que la décision de tenter l’intervention, et les risques et avantages de cette approche doivent être discutés en détail avec les patients. Le taux de réussite de toutes les méthodes ablatives pour la FA paroxystique se situe entre 66 et 89 % à un an. En cas de FA persistante de longue durée, plusieurs procédures d’ablation peuvent souvent être nécessaires.35,36

Conclusion

La FA doit être considérée comme une affection chronique et, comme d’autres affections chroniques, telles que l’hypertension et le diabète, doit être traitée par le contrôle des facteurs de risque et la prise en charge des symptômes. Comme la morbidité associée à cette affection et aux options thérapeutiques disponibles est considérable, des tentatives exhaustives de confirmation du diagnostic de FA doivent être faites précocement. La corrélation symptôme-rythme est une partie importante de cette évaluation. Les progrès réalisés dans le contrôle de la fréquence cardiaque, la gestion du rythme et la prévention des accidents vasculaires cérébraux au cours de la prochaine décennie contribueront à réduire le fardeau de la FA.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.