The Lost Museum Archive
Au début de l’été 1842, Moses Kimball, Esq, le populaire propriétaire du Boston Museum, est venu à New-York et m’a exposé ce qui prétendait être une sirène. Il déclara qu’il l’avait acheté à un marin dont le père, alors qu’il était à Calcutta en 1817 en tant que capitaine d’un navire de Boston, l’avait acheté, croyant qu’il s’agissait d’un spécimen préservé d’une véritable sirène, obtenue, comme on le lui avait assuré, auprès de marins japonais. Ne doutant pas qu’elle s’avérerait aussi surprenante pour les autres qu’elle l’avait été pour lui-même, et espérant en faire une rare spéculation en tant que curiosité extraordinaire, il s’appropria 6000 $ de l’argent du navire pour l’acheter, laissa le navire à la charge du second, et se rendit à Londres.
Il ne réalisa pas ses espérances, et retourna à Boston. Croyant toujours que sa curiosité était un animal authentique et donc de grande valeur, il la conserva avec grand soin, ne lésinant pas sur les dépenses pour la maintenir assurée, bien que réengagé comme capitaine de navire sous ses anciens employeurs pour rembourser la somme prise sur leurs fonds pour payer la sirène. Il mourut sans posséder d’autres biens, et son fils unique et héritier, qui estima à la baisse l’achat de son père, le vendit à M. Kimball, qui l’apporta à New-York pour que je l’inspecte.
Telle était l’histoire. Ne faisant pas confiance à mon acuité en la matière, je demandai à mon naturaliste son avis sur l’authenticité de l’animal. Il répondit qu’il ne pouvait concevoir comment il était fabriqué ; car il n’avait jamais connu de singe avec des dents, des bras, des mains, etc. aussi particuliers, ni de poisson avec des nageoires aussi particulières.
« Alors pourquoi supposez-vous qu’il est fabriqué ? ». Je m’enquis.
« Parce que je ne crois pas aux sirènes, » répondit le naturaliste.
« Ce n’est pas du tout une raison, » dis-je, « et donc je croirai à la sirène, et je l’engagerai. »
C’était la partie la plus facile de l’expérience. Comment modifier l’incrédulité générale dans l’existence des sirènes, jusqu’à éveiller la curiosité de voir et d’examiner le spécimen, était maintenant la question de la plus haute importance. Il fallait recourir à des moyens extraordinaires, et je ne voyais pas de meilleure méthode que de « faire rouler la balle » à une certaine distance du centre d’attraction.
En temps voulu, une communication parut dans le New-York Herald, datée et postée à Montgomery, Ala…, donnant les nouvelles du jour, le commerce, les récoltes, les potins politiques, etc, et aussi un paragraphe accessoire sur un certain Dr. Griffin, agent du Lyceum d’histoire naturelle à Londres, récemment de Pernambuco, qui avait en sa possession une curiosité des plus remarquables, n’étant rien de moins qu’une véritable sirène prise parmi les îles Fejee, et conservée en Chine, où le docteur l’avait achetée à un chiffre élevé pour le Lyceum d’histoire naturelle.
Une semaine ou dix jours après, une lettre de teneur similaire, datée et postée à Charleston, S.C., variant bien sûr dans les articles de nouvelles locales, a été publiée dans un autre journal de New-York.
Elle a été suivie d’une troisième lettre, datée et postée dans la ville de Washington, publiée dans encore un autre journal de New-York — il y avait en outre l’espoir exprimé que les rédacteurs de l’Empire City demanderaient une vue de la curiosité extraordinaire avant que le Dr. Griffin ne prenne le bateau pour l’Angleterre.
Quelques jours après la publication de cette annonce trois fois répétée, M. Lyman (qui était mon employé dans le cas de Joice Heth) était dûment enregistré dans l’un des principaux hôtels de Philadelphie en tant que Dr Griffin de Pernambouc pour Londres. Ses manières de gentleman, dignes et pourtant sociales, ainsi que sa libéralité, lui valurent une belle réputation pendant quelques jours, et lorsqu’il paya sa note un après-midi, avant de partir pour New-York le lendemain, il exprima ses remerciements au propriétaire pour son attention et sa courtoisie particulières. « Si vous voulez bien entrer dans ma chambre », dit Lyman, alias Griffin, « je vous permettrai de voir quelque chose qui vous surprendra ». C’est alors qu’on montra au propriétaire la curiosité la plus extraordinaire du monde : une sirène. Il fut si gratifié et intéressé qu’il demanda sincèrement la permission d’introduire certains de ses amis, y compris plusieurs éditeurs, pour voir le merveilleux spécimen.
… Le résultat pourrait facilement être recueilli dans les colonnes éditoriales des journaux de Philadelphie un jour ou deux après cette entrevue avec la sirène. Il suffit de dire que le plan a fonctionné admirablement, et que la presse de Philadelphie a aidé la presse de New-York à éveiller une curiosité large et croissante pour voir la sirène.
Je peux aussi bien avouer que ces trois communications du Sud ont été écrites par moi-même, et transmises à des amis à moi, avec des instructions respectivement pour les poster, chacune le jour de sa date. Ce fait et les marques postales correspondantes ont beaucoup contribué à prévenir le soupçon d’un canular, et les éditeurs de New-York ont ainsi inconsciemment contribué à mes arrangements pour faire connaître la sirène au public.