Bossuet, Jacques-Bénigne (1627-1704)

BOSSUET, JACQUES BÉNIGNE

Écrivain, évêque et orateur français ; né à Dijon, France, le 27 septembre 1627 ; mort à Paris, le 12 avril 1704. Il était le septième enfant de Bénigne Bossuet, juge au parlement de Dijon, et de Madeleine Mochet. Depuis plus d’un demi-siècle, ses ancêtres, tant paternels que maternels, occupaient des fonctions judiciaires. Il commence ses études classiques au collège des Jésuites de Dijon et, lorsque son père est nommé au parlement de Metz, il reste à Dijon sous la garde d’un oncle. Il fait des progrès remarquables, tout en se familiarisant avec la Bible, qui restera toujours sa principale source d’inspiration. Destiné à l’Église, il reçoit la tonsure à l’âge de huit ans et obtient à 13 ans le canonicat de la cathédrale de Metz. Installé à Paris en 1642, il poursuit ses études classiques en y ajoutant la philosophie et la théologie, au Collège de Navarre. Il soutient ses thèses pour le baccalauréat en théologie (tentativa ) en 1648, est ordonné sous-diacre la même année, diacre la suivante, et commence à prêcher à Metz. Il soutient ses thèses de licence en 1650 et 1651, puis se prépare à la prêtrise auprès de saint Vincent de Paul (1576-1660). Il est ordonné le 18 mars 1652 et reçoit le diplôme de docteur en théologie quelques semaines plus tard. Il réside ensuite à Metz pendant sept ans, se consacrant à la prédication, à l’étude de la Bible et des Pères, à la discussion avec les protestants et aux activités en tant que membre de l’Assemblée des Trois Ordres. Il est également associé à la Compagnie du Saint-Sacrement.

En 1659, Bossuet retourne à Paris pour les affaires de son chapitre, mais il est incité à y rester comme prédicateur, en grande partie grâce à l’influence de Vincent de Paul et de la reine mère, Anne d’Autriche. Il conserve ses liens avec Metz et est nommé doyen lorsque son père, veuf, devient prêtre et chanoine de la même cathédrale. En 1670, Bossuet est consacré évêque de Condom. Bien qu’il ne soit pas obligé de résider dans son diocèse, ses convictions en la matière le poussent à démissionner un an plus tard, date à laquelle il est également élu à l’Académie française. Nommé précepteur du Dauphin en 1670, il s’investit avec énergie dans ses fonctions et compose même des ouvrages pour l’instruction de son élève (voir ci-dessous). Après le mariage du Dauphin en 1681, Bossuet est affecté à l’évêché de Meaux. Il administre son siège à résidence, à la suite de l’assemblée du clergé français de 1682, mais est appelé de plus en plus fréquemment à Paris ou dans les lieux de séjour de la cour. Sa santé est défaillante en 1700, mais il continue à défendre ses principes jusqu’au bout, dictant de son lit des lettres et des essais polémiques à son secrétaire.

Orateur de la cour. L’éminence de Bossuet comme orateur est incontestée. On l’a appelé la voix de la France à l’époque de Louis XIV et il est un parfait exemple du classicisme de cette période. Son vocabulaire simple mais facile servait bien l’intensité de sa pensée, souvent exprimée dans la sonorité profonde de phrases périodiques. Sa pensée se tourne normalement vers les termes d’universalité, de majesté, d’équilibre, d’ordre et de raison au sens du XVIIe siècle. Il était passionnément attaché à l’unité et considérait que sa réalisation n’était possible que dans l’absolutisme. Il croyait au droit divin des rois et à une hiérarchie impliquant à la fois l’Église et l’État ; et s’il était lui-même quelque peu autoritaire, cela résultait probablement de sa conviction qu’il était de son devoir d’exiger des inférieurs et de ceux qu’il dirigeait la

même obéissance qu’il devait lui-même rendre aux supérieurs. Pourtant, il était remarquablement humain et, jusqu’à ses dernières années, conciliant au point d’être accusé de faiblesse.

Avec un courage sans faille – et avec un certain succès – il prêchait et conseillait contre les liaisons adultères du roi. Lorsque Louis se rebiffe, insistant sur le fait que les monarques sont au-dessus de la loi des hommes, Bossuet concède ce point mais insiste sur le fait que même les rois ne sont pas au-dessus de la loi de Dieu. Bien que cette position soit clairement prise, Bossuet continue d’admirer le grand souverain qui, avec tous ses défauts, peut unifier et glorifier la France. Inspiré par saint Vincent, Bossuet plaide la cause des pauvres contre les extravagances de la cour, mais en même temps il sent que le bon exercice de son propre rôle exige une certaine richesse, utilisée avec détachement d’esprit. Il appréciait aussi franchement la position et le pouvoir, mais la plupart des biographes ne trouvent aucune justification à l’accusation selon laquelle il les recherchait activement. Il est resté à la cour probablement parce qu’il était convaincu que sa présence y agissait comme un levain chrétien au milieu de la corruption.

Bossuet était physiquement et mentalement robuste et généralement convaincu d’avoir raison. Il était parfois sanguin jusqu’à la naïveté. Ainsi, il approuva la révocation de l’édit de Nantes (1685), tout en n’approuvant ni n’attendant l’usage de la force, parce qu’il était convaincu que les protestants se plieraient à la nouvelle règle et collaboreraient à l’unité des chrétiens. (voir nantes, édit de.)

Écrivain et prédicateur. La première œuvre publiée de Bossuet, Réfutation du catéchisme du sieur Paul Ferry, ministre de la religion prétendue réformée (1655), est dirigée contre un pasteur protestant de Metz. Dans cette première période, il commence aussi à composer et à prêcher des panégyriques sur les saints. Ceux sur saint François d’Assise (1652), saint Bernard (1653), saint Paul (1657) et l’apôtre Pierre (1661) sont parmi les meilleurs. Ces études servent de base à des leçons de morale ; il emploie la même tactique dans ses chefs-d’œuvre, les Oraisons funèbres. La première d’entre elles fut prêchée à Metz, mais les plus perfectionnées vinrent plus tard, notamment celles pour Henriette de France (1669), pour Henriette d’Angleterre (1670) et pour le prince de Condé (1687).

Les sermons ordinaires de Bossuet, non composés pour être publiés, étaient dispersés sous forme de manuscrits et de notes et n’ont été retrouvés que progressivement et de façon incomplète. Sa plus grande période de prédication s’étend de 1659 à 1670. Il est invité à donner les sermons de Carême au Louvre en 1662 et ses commentaires sévères sur les mauvais riches, l’efficacité de la pénitence, la mort, etc., parfois adressés au roi en personne et accompagnés de menaces de damnation, ne sont guère de nature à améliorer l’accueil de son auteur, même si l’on reconnaît qu’un véritable orateur a émergé d’une foule de prédicateurs. Cependant, il fut bientôt impliqué dans la controverse janséniste (voir jansénisme). Le degré de sa sympathie pour le port-royal est débattu. S’il favorisait sans aucun doute l’austère moralité janséniste et condamnait ce qu’il considérait comme la « dévotion facile » des jésuites, il était pleinement convaincu que cinq propositions tirées d’augustinus se retrouvaient dans la doctrine de Port-Royal et devaient être condamnées. Sa propre spiritualité était bérullienne (voir bÉrulle, pierre de), influencée par saint Vincent de Paul et par les œuvres de saint François de Sales (1567-1622).

Trois des œuvres les plus importantes de Bossuet ont été composées principalement pour l’instruction du Dauphin : Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même (1677), Politique tirée de l’Écriture Sainte (1679), et le Discours sur l’histoire universelle (1681). Il considérait le Discours comme son œuvre écrite la plus importante ; il en publia deux révisions et travaillait à une autre au moment de sa mort. Dans ce qui fut l’une des premières  » philosophies de l’histoire « , Bossuet concevait l’ensemble de l’histoire comme dirigée par la Providence, et en relation avec un seul événement, l’Incarnation. En philosophie proprement dite, Bossuet est partiellement thomiste, mais il enseigne au Dauphin les idées de Descartes, qu’il répudiera plus tard. Dans l’assemblée du clergé convoquée par le roi pour traiter de la juridiction sur les sièges épiscopaux vacants, c’est toute la question de l’autorité papale et des droits et libertés de l’église gallicane qui est débattue (voir gallicanisme). Bien que Bossuet soit gallican par tradition familiale et patriotique et qu’il ne croie pas à l’infaillibilité papale, il ne songe pas à renoncer à la soumission due à Rome. Il cherche un compromis et est choisi pour rédiger les Quatre Articles (1682) que le pape Innocent XI rejette. Un acte de soumission des évêques français en 1693 mit fin aux troubles, et c’est principalement la loyauté et l’esprit de modération de Bossuet qui rappelèrent la France au bord du schisme.

Sévérité de ses dernières années. A la période de Meaux appartient son Histoire des variations des églises protestantes (1688) ; en 1691, il entame une correspondance avec leibniz, un esprit frère qui, du point de vue protestant, rêvait aussi d’une unification chrétienne du monde. Leur rapprochement échoue et leurs espoirs sont vite abandonnés. Tant de revers dans les projets grandioses de Bossuet commencèrent à affaiblir la patience qui l’avait toujours caractérisé, et une certaine insistance dure et parfois injuste marqua ses dernières controverses. Il se montra impitoyable envers toute innovation dans la critique biblique ou historique et s’opposa vivement aux travaux de R. Simon et de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de L. Ellies do Pin. Il se mit à blâmer furieusement les classiques et le théâtre pour le relâchement des mœurs, et condamna toute poésie et tout amusement. Ces idées sont exprimées dans son Traité de la concupiscence (1693) et ses Maximes sur la comédie (1694). La plupart des moralistes du XVIIe siècle ont tendance à désapprouver le théâtre, mais Bossuet est aussi sévère que les jansénistes. C’est à cette époque qu’éclate la grande querelle du quiétisme (surtout vers 1694-1700). Bossuet, qui n’est ni familier de la mystique ni attiré par son tempérament, s’efforce d’en saisir le sens lorsqu’on lui demande d’examiner Mme Guyon, que défend FÉnelon. Bossuet reconnaît à Mme Guyon une personnalité déséquilibrée et un faux mysticisme. Il est à l’origine des Articles d’Issy qui condamnent les propositions tirées des écrits de Mme Guyon. Bossuet écrit pendant cette affaire l’Instruction sur les états d’oraison (1696) et la Relation sur le quiétisme (1698). Les dernières années de sa vie sont troublées par la résurgence du jansénisme ; sa mort reflète cependant le calme et la majesté de ses grandes œuvres.

Bibliographie : Oeuvres complètes, éd. e. n. guillaume, 10 v. (Bar-le-Duc 1877) ; Oeuvres oratoires, éd. j. lebarq et autres, 7 v. (Paris 1922-27) ; Correspondance, éd. c. urbain et e. levesque, 15 v. (Paris 1909-25). j. calvet, Bossuet : L’Homme et l’œuvre (Paris 1941) ; Histoire de la littérature française, v.5 (Paris 1939) 259-319, bonne bibliographie 450-453. a. rÉbelliau, Bossuet (Paris 1900). j. truchet, La Prédication de Bossuet (Paris. 1960),a. largent, Dictionnaire de théologie catholique, ed. a. vacant et al. (Paris 1903-50 ; Tables générales 1951- ) 2:1049-89. p. dudon, Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique. Doctrine et histoire, m. viller et al., 1:1874-83. w. j. simpson, A Study of Bossuet (New York 1937). d. o’mahony, ed., Panegyrics of the Saints : From the French of Bossuet and Bourdaloue (St. Louis 1924), contient également des parties d’autres œuvres de Bossuet. a. g. martimort, Le Gallicanisme de Bossuet (Paris 1953).

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