NATIONAL MARITIME HISTORICAL SOCIETY

Par Richard King

En 1807, William Wood, naturaliste anglais et expert en mollusques, publia Zoography, or, The Beauties of Nature Displayed. Exquisément illustré, ce trésor en 3 volumes était censé inclure les animaux les plus fascinants de la Terre.

Aquatinte d’un nautile en papier par William Daniell dans Zoography de William Wood (1807). Photo reproduite avec l’aimable autorisation de la Watkinson Library, Trinity College.

Wood a écrit un compte rendu particulièrement élogieux du nautile de papier, également connu sous le nom d’argonaute ou de marin de papier, qu’il décrit comme s’il s’agissait d’un bateau merveilleux. L’animal à l’intérieur devait être « célébré pour son habileté en navigation ». Wood a écrit que certains croyaient que les peuples les plus anciens avaient appris l’idée même de la navigation de ces animaux, et que le « marin intérieur » à huit bras est assis dans une coquille blanche papillaire « marquée de côtes élégantes qui vont vers la quille. »

Navire de papier (Argonauta argo) au large des côtes du Japon. Notez comment l’extrémité palmée d’un bras est étalée sur l’extérieur de la coquille. Photo courtoisie de Abe Hideki/Minden pictures.

L’animal déploie une membrane à l’extrémité de deux bras spécialisés pour former, dit-il, de petites voiles, faisant glisser sa coquille sur l’eau. A d’autres moments, vraisemblablement dans les calmes, le nautile de papier étend ses bras pour ramer. Cette croyance remonte au moins à Aristote, ce qui a conduit Linné, au début du XVIIIe siècle, à nommer la créature d’après le mythe grec des héros de la voile, les Argonautes, qui avaient voyagé à bord du navire de Jason, l’Argo. Wood poursuivit en expliquant que, dès qu’un marin humain s’approchait, les animaux plongeaient rapidement, ce qui les rendait difficiles à capturer et presque impossibles à observer en mer.

Deux décennies plus tard, la naturaliste Jeannette Villepreux-Power reprit les mystères du nautile de papier de Wood. Née en France, elle acquiert une certaine renommée en tant que brodeuse à Paris. Lorsqu’elle s’installe en Sicile, une île de la Méditerranée, elle peut alors poursuivre son intérêt de longue date pour la biologie marine.

Jeannette Villepreux-Power (1794-1871) a mené les premières recherches expérimentales sur les nautiles de papier, inventant au passage l’aquarium moderne. Photo d’André-Adolphe-Eugène Disdéri, 1861.

En Sicile, Villepreux-Power a vu des nautiles en papier dans la baie et a reçu des spécimens de pêcheurs. Elle commença à se demander comment elle pourrait mieux observer ces animaux. Elle savait que le nautile de papier, contrairement à son proche parent, le nautile à chambre à carapace épaisse et à multiples tentacules, est en fait un type de pieuvre vivant à l’intérieur d’une fine carapace. M. Villepreux-Power a décidé de résoudre un débat houleux sur la question de savoir si les nautiles de papier fabriquaient leurs propres coquilles, comme les palourdes, les trouvaient, comme les bernard-l’ermite, ou même tuaient le fabricant original des coquilles, comme les parasites. Villepreux-Power ne savait pas non plus s’ils naviguaient ou ramaient à la surface de l’eau – ni même comment ils se reproduisaient.

Pour étudier les nautiles à papier vivants dans le port, Villepreux-Power a conçu des cages en bois qui pouvaient être ancrées sous l’eau. Dans son petit laboratoire à terre, elle a conçu des tuyaux pour pomper l’eau de mer dans des enclos en bois et en verre. Beaucoup attribuent à Villepreux-Power l’invention de l’aquarium moderne. Ses expériences fondatrices ont prouvé que les nautiles en papier fabriquent effectivement leurs propres coquilles dès leur plus jeune âge et que les animaux dans les coquilles sont tous des femelles, qui utilisent la coquille comme étui à œufs. La femelle n’est pas physiquement attachée à la coquille, comme une moule, mais elle ne peut survivre en dehors de celle-ci que pendant une courte période. Les nautiles de papier mâles sont relativement petits et ont un aspect totalement différent. Les biologistes ont depuis appris que le minuscule mâle laisse un de ses tentacules chargé de sperme, généralement autour des branchies de la femelle, pour fertiliser les œufs qu’elle fait éclore à l’intérieur de sa coquille.

En ce qui concerne la question de la navigation sur l’eau avec leurs bras palmés, Villepreux-Power n’a pas rejeté l’idée entièrement. Elle pensait que les deux bras les plus robustes pouvaient fonctionner comme des « mâts », mais elle a plutôt observé que ces membranes servent principalement à construire et à réparer la coquille, ainsi qu’à la recouvrir, presque comme une combinaison de plongée, lorsque l’animal nage.

Les biologistes comprennent maintenant que les nautiles à papier (Argonauta spp.), dont il existe quatre espèces, sont les seules pieuvres qui utilisent des coquilles et font partie des quelques espèces qui vivent en pleine mer plutôt que sur le fond marin. Nous savons aujourd’hui que les nautiles de papier n’utilisent pas leurs membranes pour se propulser grâce au vent, mais qu’ils ont plutôt tendance à nager juste sous la surface. Ils nagent rapidement et intentionnellement en expulsant de l’eau par un entonnoir, de la même manière que les autres pieuvres et calmars.

En 2010, l’Australien Julian Finn en a appris encore plus en suivant les traces de Villepreux-Power. Finn, biologiste et conservateur au Museums Victoria, a capturé quelques spécimens au large des côtes du Japon, puis les a ramenés au laboratoire et les a observés dans un immense réservoir. Il les a ensuite relâchés dans le port, où il a pu faire de la plongée à côté d’eux et les observer dans leur environnement naturel. Finn a découvert que les nautiles de papier ont développé une façon d’utiliser leur coquille pour emprisonner les bulles d’air de la surface pendant qu’ils nagent, qu’ils utilisent ensuite pour réguler leur flottabilité pendant qu’ils plongent – de façon similaire à la façon dont les plongeurs sous-marins ajustent l’air dans leurs gilets.

William Wood serait émerveillé. Jeannette Villepreux-Power le serait aussi – et fière.

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