Philippe Auguste II Roi de France
Bynonyme PHILIP AUGUSTUS, français PHILIPPE AUGUSTE, le premier des grands rois capétiens de la France médiévale (règne 1179-1223), qui reconquiert progressivement les territoires français détenus par les rois d’Angleterre et fait également progresser les domaines royaux vers le nord en Flandre et vers le sud en Languedoc. Il est une figure majeure de la troisième croisade en Terre sainte en 1191.
Vie précoce et royauté
Philipe était le fils de Louis VII de France et d’Adela de Champagne. Afin d’être associé comme roi à son père, tombé mortellement malade, il fut couronné à Reims le 1er novembre 1179. Ses oncles de la Maison de Champagne – Henri Ier, comte de Champagne, Guillaume, archevêque de Reims, et Thibaut V, comte de Blois et de Chartres – espèrent utiliser le jeune roi pour contrôler la France. Pour échapper à leur tutelle, Philippe, le 28 avril 1180, épouse Isabelle, la fille de Baudouin V de Hainaut et la nièce (par sa mère) de Philippe d’Alsace, le comte de Flandre, qui promet de donner au roi le territoire de l’Artois en dot.
Lorsque Henri II d’Angleterre arrive en Normandie, peut-être dans l’intention de répondre à un appel de la maison de Champagne, Philippe II entame des négociations avec lui et, à Gisors le 28 juin 1180, renouvelle un accord que Louis VII avait conclu avec lui en 1177. De ce fait, la maison de Champagne est politiquement isolée, et Philippe II prend toutes les décisions pour lui-même et agit comme bon lui semble lorsque son père meurt, le 18 septembre 1180, le laissant seul roi de nom comme de fait.
Lorsque le comte de Flandre s’allia à la faction champenoise, il s’ensuivit une grave révolte contre le roi. Par la paix de Boves, en juillet 1185 (confirmée par le traité de Gisors en mai 1186), le roi et le comte de Flandre aplanirent leurs différends (qui portaient principalement sur la possession du Vermandois, en Picardie), de sorte que le territoire contesté fut partagé, Amiens et de nombreuses autres localités passant au roi et le reste, avec le comté de Vermandois proprement dit, étant laissé provisoirement à Philippe d’Alsace. Dès lors, le roi est libre de se présenter contre Henri II d’Angleterre.
Richard, qui succéda à Henri comme roi d’Angleterre, avait déjà entrepris de partir en croisade (la troisième croisade) contre Saladin en Terre sainte, et Philippe fit maintenant de même. Avant son départ, il rédigea le « Testament de 1190 » afin de pourvoir au gouvernement de son royaume en son absence. En route pour la Palestine, il rencontra Richard en Sicile, où ils se retrouvèrent rapidement en désaccord, bien qu’ils aient conclu un traité à Messine en mars 1191. Arrivés en Palestine, ils coopèrent contre les musulmans à Acre, jusqu’à ce que Philippe tombe malade et prenne prétexte de sa maladie pour rentrer en France, bien décidé à régler la succession des Flandres (Philippe d’Alsace vient de mourir en croisade) pendant l’absence de Richard. Ainsi, à la fin de l’année 1191, Philippe II est de retour en France.
En dépit des promesses qu’il avait faites en Terre Sainte, Philippe se prépare aussitôt à attaquer les possessions Plantagenêt en France. Informé, Richard quitte lui aussi la croisade mais est fait prisonnier sur le chemin du retour par le duc d’Autriche, Léopold V de Babenberg. Philippe fait tout pour prolonger la captivité de son rival, mais Richard est enfin libéré (1194) et part en guerre contre Philippe. Le roi de France subit de nombreuses défaites (de celle de Fréteval en juillet 1194 à celle de Courcelles en septembre 1198) dans une série de campagnes ponctuées parfois de négociations. La mort de Richard en avril 1199 est toutefois fortuite pour Philippe.
Le frère de Richard, Jean, n’était en rien un combattant aussi redoutable. De plus, son droit à la succession de Richard pouvait être contesté par Arthur de Bretagne, dont le père était plus âgé que Jean. Pour assurer la succession, Jean s’entendit donc avec Philippe : par le traité du Goulet (22 mai 1200), en échange de la reconnaissance par Philippe de sa qualité d’héritier de Richard, il céda Évreux et le Vexin normand à Philippe ; accepta qu’Issoudun et Graçay soient la dot de sa nièce Blanche de Castille, qui devait épouser le futur Louis VIII (fils de Philippe par Isabelle de Hainaut) ; et renonça à toute prétention de suzeraineté sur le Berry et l’Auvergne.
Peu de temps après, cependant, Jean entra en conflit avec la famille Lusignan du Poitou (en Aquitaine), qui faisait appel à Philippe en tant que suzerain. Lorsqu’il fut convoqué devant la cour royale en tant que vassal de la couronne française, Jean ne se présenta pas, et Philippe, en avril 1202, prononça la déchéance des fiefs français de Jean et entreprit d’exécuter lui-même la sentence. Il envahit la Normandie, envahit le nord-est et assiège Arques, tandis qu’Arthur de Bretagne, le fils de Geoffrey, mort quelques années auparavant, fait campagne contre les partisans de Jean dans le Poitou ; mais Jean, marchant vers le sud depuis le Maine, capture Arthur à Mirebeau (1er août). Furieux, Philippe abandonne le siège d’Arques et marche vers le sud-ouest jusqu’à Tours, ravageant le territoire de Jean sur son chemin avant de revenir à Paris. Guillaume des Roches, le puissant sénéchal d’Anjou, qui avait pris le parti de Jean, s’arrange avec Philippe en mars 1203.
Reprenant ses opérations contre la Normandie, Philippe occupe les villes autour de la grande forteresse de Château-Gaillard, qu’il assiège en septembre 1203, après avoir écarté les tentatives de médiation du pape Innocent III. Jean, qui aurait assassiné Arthur de Bretagne en avril, se retire en Angleterre en décembre, et Château-Gaillard tombe aux mains de Philippe en mars 1204. Rouen, la capitale normande, se rend en juin, après 40 jours de résistance.
Après sa conquête de la Normandie, Philippe soumit le Maine, la Touraine, l’Anjou et la majeure partie du Poitou avec moins de difficultés (1204-05), bien que les châteaux de Loches et de Chinon aient résisté pendant un an. Il cherche à garantir ses conquêtes en accordant des privilèges aux villes et aux maisons religieuses, mais laisse les barons locaux au pouvoir. L’agitation est cependant endémique en Poitou et, en juin 1206, Jean débarque à La Rochelle. Après une campagne dans le sud, il se tourne vers le nord, en direction de la Loire. À Thouars en octobre 1206, Philippe et lui concluent une trêve de deux ans, laissant Jean en possession des terres poitevines reconquises. L’année suivante, cependant, Philippe envahit à nouveau le Poitou ; et, après une nouvelle campagne en 1208, seuls le sud et une partie de l’ouest du Poitou restent fidèles à Jean (avec la Saintonge, la Guyenne et la Gascogne).
Philippe espérait ensuite exploiter le différend entre Jean et le pape Innocent III. Alors qu’Innocent menaçait de déclarer Jean inapte à régner (1212), des plans étaient élaborés pour un débarquement français en Angleterre et pour l’accession du fils de Philippe, Louis, au trône anglais. Ces projets doivent être abandonnés lorsque Jean se soumet au pape (1213). Se jetant dans des projets de vengeance, Jean forma une coalition contre la France : l’empereur romain germanique Otto IV, le comte de Flandre (Ferrand, ou Ferdinand, du Portugal) et le comte de Boulogne (Raynald, ou Renaud, de Dammartin) devaient envahir le territoire capétien par le nord-est tandis que Jean attaquait par l’ouest, avec l’aide de ses barons poitevins.
Jean débarque à La Rochelle en février 1214 et avance en Anjou mais est mis en fuite par Louis à La Roche-aux-Moines le 2 juillet ; ses confédérés sont complètement défaits par Philippe lors de la bataille décisive de Bouvines le 27 juillet. Le pouvoir anglo-angevin en France et la coalition avaient tous deux été brisés en un mois. Ainsi Philippe, qui, en 1213, avait transféré la Bretagne à son cousin Pierre de Dreux, se retrouva sans aucune opposition significative à son pouvoir en France.
Ce n’est pas seulement aux dépens des Plantagenêts que Philippe agrandit le domaine royal. Sa revendication de l’Artois par son premier mariage et ses gains par le règlement de 1185-86 ont été mentionnés ci-dessus, et il a ensuite procédé, étape par étape, à l’acquisition du reste du Vermandois et du Valois. Son insistance sur sa suzeraineté sur les fiefs vacants et sur sa tutelle sur les mineurs et les héritières fut particulièrement efficace en ce qui concerne la Flandre, où deux comtes flamands successifs, Philippe d’Alsace (mort en 1191) et Baudouin IX (mort vers 1205) n’avaient laissé aucune descendance mâle.
Bien qu’il ne prenne pas personnellement part à la croisade proclamée par le pape Innocent III contre une secte religieuse cathare en Languedoc, Philippe permet à ses vassaux et chevaliers de la mener à bien. La prise de Béziers et de Carcassonne par Simon de Montfort (1209) et sa victoire à Muret sur Raymond VI de Toulouse et Pierre II d’Aragon (1213) préparent le terrain pour l’annexion finale du Languedoc oriental au domaine royal six ans après la mort de Philippe et pour l’union du nord et du sud de la France sous la domination capétienne.
Affaires intérieures
Plusieurs années avant qu’il ne tente de profiter de la querelle de la papauté avec Jean d’Angleterre, Philippe avait lui-même été en conflit avec Rome. Après la mort (1190) d’Isabelle de Hainaut, il avait épousé Ingeborg, sœur du roi danois Canute IV, le 14 août 1193, et le lendemain, pour une raison privée, il avait résolu de se séparer d’elle. Après avoir obtenu l’annulation de son mariage par une assemblée d’évêques en novembre 1193, il prit pour épouse en juin 1196 une dame tyrolienne, Agnès, fille de Bertold IV de Meran. Le Danemark, entre-temps, s’était plaint à Rome de la répudiation d’Ingeborg, et le pape Célestin III l’avait contremandée en 1195 ; mais Célestin mourut (1198) avant d’avoir pu recourir à la coercition contre Philippe. Le pape suivant, Innocent III, fut plus sévère : en janvier 1200, il imposa un interdit à la France. Philippe dut donc, en septembre 1200, se soumettre en prétendant se réconcilier avec Ingeborg. En fait, il refusa de cohabiter avec elle et la maintint en semi-captivité jusqu’en 1213, date à laquelle il l’accepta à ses côtés, non pas comme épouse mais au moins comme reine. Agnès était morte en 1201, après avoir donné deux enfants à Philippe : Marie, comtesse de Namur (1211) et duchesse de Brabant (1213), par mariages successifs ; et Philippe, dit Hurepel, comte de Clermont.
Pendant tout son règne, Philippe surveilla de près la noblesse française, qu’il mit efficacement au pas. Il entretint d’excellentes relations avec le clergé français, laissant les chanoines des chapitres cathédrales libres d’élire leurs évêques et favorisant les ordres monastiques. Il sait aussi gagner le soutien des villes, accordant privilèges et libertés aux marchands et aidant fréquemment leurs luttes pour se libérer de l’autorité seigneuriale des nobles. En retour, les communes les aidaient financièrement et militairement. Philippe porte surtout son attention sur Paris, qu’il fortifie d’un grand rempart et dont il fait remettre en ordre les rues et les artères. Pour les campagnes, il multiplia le nombre de villes neuves, ou communautés émancipées.
L’emprise de la monarchie capétienne sur l’immense domaine royal ainsi que sur l’ensemble du royaume est considérablement renforcée par l’institution par Philippe d’une nouvelle classe d’officiers administratifs, les baillis royaux et les sénéchaux pour les provinces, qui sont nommés par le roi pour surveiller la conduite des prévôts locaux, rendre la justice en son nom, percevoir pour lui les revenus du domaine et appeler les forces armées, en plus d’autres fonctions.
Conclusion.
Philipe II meurt le 14 juillet 1223. Connaissant sa propre force, il est le premier des Capétiens à ne pas avoir son fils aîné couronné et associé à lui de son vivant ; en fait, ses conquêtes et son gouvernement fort font de lui le roi le plus riche et le plus puissant d’Europe et préparent la voie à la grandeur de la France au XIIIe siècle.