PMC

INTRODUCTION

Selon des rapports récents, les troubles du sommeil touchent 30% des adultes1,2 et 5-10% des enfants3. L’épidémie actuelle d’obésité pourrait augmenter ces pourcentages3-5. Selon les directives de l’American Academy of Sleep Medicine, la polysomnographie (PSG) est l’étalon-or du diagnostic du SAOS, tandis que le test de sommeil à domicile (HST) peut être considéré comme une méthode comparativement efficace (mais pas un équivalent exact) en fonction de la situation clinique du patient7,8 (c’est-à-dire les symptômes, l’inconfort, le risque, les antécédents de maladies associées). Un tel contexte nous amène à poser la question suivante : comment devons-nous interpréter les informations obtenues par les études du sommeil ?

Les premiers résultats de la PSG (à la fin des années 70) ont identifié des pauses respiratoires (apnée) basées sur des changements de la température de l’air inhalé/exhalé et les dommages qui en résultent : sommeil fragmenté (électroencéphalographie) et instabilité cardiovasculaire (changements de la pression sanguine ou de la fréquence cardiaque), qui provoquent la somnolence9,10. La définition de la maladie et les seuils normaux sont de cette époque9.

L’indice d’apnée (IA) est devenu le premier indicateur pour définir le SAOS puisque l’apnée obstructive est son élément le plus distinctif9,10. Les améliorations ultérieures des appareils et des méthodes (canules de débit/pression) pour mesurer le collapsus des voies aériennes ont ajouté à la complexité de la classification et de la quantification des événements d’obstruction11-15. Le collapsus partiel (hypopnée) a un effet similaire (bien que l’on ne sache toujours pas dans quelle mesure), provoquant des réveils et/ou une désaturation en O2. Lorsque l’effet du collapsus partiel a été reconnu, il a été inclus dans la définition du SAOS, créant ainsi l’indice IAH que nous utilisons maintenant11-16.

La description des événements obstructifs devrait être, en théorie, une procédure simple en suivant simplement les directives pour l’interprétation des études du sommeil, qui sont mises à jour au fur et à mesure que de nouvelles connaissances deviennent disponibles11-15. Cependant, la définition de l’hypopnée reste un défi majeur, car il n’y a pas de consensus sur le niveau de réduction du débit d’air nécessaire pour classer un événement comme une hypopnée13-16. Même dans ce scénario, les médecins font un usage extensif et trop simplifié de l’IAH en supposant que les effets biologiques de l’apnée et de l’hypopnée sont fondamentalement les mêmes16 et l’analyse des études du sommeil se concentre sur l’amélioration de la précision de l’IAH et sur la définition des événements ayant des conséquences démontrables dans les enregistrements sans artefact16,17.

Certaines définitions sont basées uniquement sur les événements associés à une désaturation significative en O2 et d’autres tentent d’ajuster les variations sous-jacentes en considérant uniquement les événements respiratoires qui provoquent une réponse physiologique (par exemple, les micro-éveils)17. L’utilisation de stratégies diagnostiques simplifiées a entraîné la description de stimuli d’éveil (mouvements, changement de la fréquence cardiaque ou du tonus artériel) comme des signes qui complètent l’IAH16-18. Ho et al.17 ont étudié l’impact de différentes définitions des hypopnées (associées à différents seuils de désaturation en oxygène et d’éveil), dans un extrait de l’étude originale Sleep Heart Health Study portant sur >6000 sujets et ont montré que trois méthodes d’évaluation des hypopnées donnaient des estimations significativement différentes de l’indice d’apnée-hypopnée (IAH), bien que la différence relative soit réduite dans les maladies graves.

Depuis la description originale de l’IAH, un grand nombre de preuves ont associé le SAOS à des conséquences cliniques telles que : somnolence excessive, détérioration de la qualité de vie, accidents de la route, diabète et résistance à l’insuline, hypertension (HT), accident vasculaire cérébral, défaillance cardiaque et mortalité7,15-21. Presque toutes les études utilisent l’IAH comme indicateur de l’exposition aux événements respiratoires pendant le sommeil. En outre, des études d’intervention (CPAP) ont montré que le traitement du SAOS est associé à de meilleurs résultats lorsque l’IAH diminue22.

Il est surprenant qu’en dépit de la grande masse de données analysées lors des études sur le sommeil, la gravité du SAOS repose sur l’IAH. Même si l’IAH est largement utilisé comme prédicteur des complications liées au SAOS, son utilisation présente plusieurs limites. Tout d’abord, l’IAH nous donne une idée de la fréquence des événements respiratoires pendant le sommeil, mais ne nous permet pas de connaître l’ampleur de la désaturation en oxygène, qui peut affecter d’autres organes et doit être incluse et interprétée dans les rapports de PSG ou de HST15,21-23. Le SAOS est un modèle d’hypoxémie intermittente caractérisé par des cycles d’hypoxie et de ré-oxygénation de courte durée (15 à 120 secondes) survenant pendant 6 à 8 heures de sommeil pendant de nombreuses années. Les modèles animaux et humains d’hypoxémie intermittente chronique semblent jouer un rôle important dans la pathogenèse de la comorbidité du SAOS, y compris l’hypertension, les événements cardiovasculaires, le diabète, les déficiences neurocognitives et le cancer24,25.

Afin de déterminer quel degré d’hypoxémie est associé à une morbidité et une mortalité accrues chez les patients atteints de SAOS, il est nécessaire d’établir si différents modèles de désaturation en oxygène prédisent indépendamment le développement d’événements cardiovasculaires et d’autres résultats d’intérêt. En ce sens, plusieurs publications ont observé que le risque d’événements cardiovasculaires, de récurrence de la fibrillation auriculaire après une cardioversion réussie, de mort subite et de troubles neurocognitifs chez les patients atteints de SAOS était plus élevé24-29.

Deuxièmement, l’IAH ne tient pas compte de la durée des apnées/hypopnées. Il n’est pas raisonnable de supposer qu’une apnée/hypopnée de 10 secondes (s) est équivalente à un événement de 30 ou 60 s, en termes d’hypoxémie ou d’hypercapnie, de développement d’une pression intrathoracique négative, de changements de la fréquence cardiaque ou de la pression sanguine et de réaction d’éveil. Troisièmement, il est également important de noter que l’IAH ne tient pas compte de la distribution des événements nocturnes.Ainsi, les données relatives à l’IAH en position couchée/non couchée ou à l’IAH en sommeil paradoxal/rémotionnel sont rapportées pour illustrer l’hétérogénéité de la distribution des événements respiratoires16.

Enfin, deux patients atteints de SAOS avec un IAH similaire peuvent différer en termes de gravité en fonction de leur âge30, de leur profession, de leurs symptômes diurnes et des conditions associées. De même, deux personnes ayant le même IAH peuvent présenter des niveaux de tolérance différents et des manifestations cliniques différentes16,23. De nouvelles données suggèrent que les bénéfices du traitement ne sont pas les mêmes pour les patients ayant un IAH élevé et ne présentant pas de somnolence32,33 et d’autres données publiées soulignent l’impact de l’hypoxémie sur les résultats cardiovasculaires26,34.

Il est nécessaire de développer un score pour évaluer la sévérité et le pronostic du SAOS qui,outre l’IAH et ses différentes variables (IAH total, supination, non-supination, REM/NREM),devrait inclure le type et la durée des événements respiratoires, l’indice de désaturation en O2 (ODI3/4%, SO2 moyen, Temps <90%), les symptômes (par ex.De plus, le comportement de saturation en O2 peut ne pas être le même que celui du flux respiratoire lorsque l’IMC est augmenté23.

Est-il possible de considérer les deux cas suivants comme équivalents ? (1) un individu atteint de SAOS avec un IAH de 19 événements/heure, un IMC de 34 kg/m2, un T90 >à 10% du temps de sommeil, une somnolence diurne et une hypertension ; et (2) un individu avec un IAH de 19 événements/heure, un IMC de 26 kg/m2, un T90 >à 1% du temps de sommeil, sans somnolence diurne et sans hypertension. La réponse semble évidente : en termes d’IAH, il s’agit dans les deux cas de SAOS modérés. Cependant, le premier semble plus grave (IMC plus élevé, plus d’hypoxémie et plus de risque d’hypertension pulmonaire)36. Notre défi pour l’avenir est de stratifier le risque et le pronostic à l’aide des études du sommeil, de l’IMC et de l’examen clinique.

La variabilité de l’IAH d’une nuit à l’autre (un phénomène identifié il y a trois décennies) peut faire qu’un patient ait une PSG normale une nuit et un SAOS léger à modéré une autre nuit37. Ces changements peuvent provenir de la position de sommeil, de changements dans le pharynx et de changements dans le rapport REM/NREM de chaque nuit. Des paramètres biologiques (par exemple, des changements dans la résistance nasale, la prise de médicaments, l’abus d’alcool et de drogues) peuvent contribuer à cette variabilité. Cependant, l’application pragmatique de ces informations n’est pas encore totalement comprise.

Une autre source d’erreur à prendre en compte est la variabilité inter-observateur dans l’identification des événements d’hypopnée. On estime que 10 % des patients évalués au moyen de la PSG pourraient tomber dans la catégorie des faux négatifs pour le SAOS. Il est également prouvé que le phénomène respiratoire est dynamique et que certains patients présentent des phénotypes centraux qui, après des épisodes aigus, se transforment en phénotypes obstructifs ou vice-versa35-38.

De plus, étant donné que l’estimation de l’IAH par la TVH est basée sur le temps total d’enregistrement plutôt que sur le temps total de sommeil, l’IAH est généralement inférieur de 15 % à l’IAH de la PSG, ce qui peut entraîner une sous-estimation de la gravité15,16. Dans ce contexte, les indicateurs d’oxymétrie (désaturation en O2/heure, temps <90%) deviennent particulièrement importants23. Ainsi, les décisions des médecins peuvent varier en fonction des valeurs de la PSG ou de l’HST. Une étude multicentrique européenne qui a évalué l’indication de la CPAP sur la base des résultats de la PSG par rapport à ceux de l’HST (polygraphie respiratoire) chez des patients présentant un risque de SAOS a montré une cohérence remarquable pour les IAH >20/h, mais une incohérence de 20 % pour les IAH <15/h39.

En résumé, bien que l’IAH ait été largement utilisé pour le diagnostic du SAOS, il comporte de nombreuses limitations lorsqu’il s’agit d’évaluer la gravité. Un IAH élevé permet d’identifier la population affectée mais les groupes à risque intermédiaire sont généralement laissés à la merci des compétences de gestion des cliniciens. Le développement et la validation de systèmes d’évaluation de la gravité du SAOS basés sur de multiples paramètres restent une question en suspens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.